dimanche 9 octobre 2016

France | Dieuveil Malaonga, le maître des saveurs congolais

Portrait : Dieuveil Malonga, le maître des saveurs congolais
Publié le 09 septembre 2016 à 08h32

Orphelin élevé en cuisine par sa grand-mère, ce Congolais entend bien révolutionner
My African Dream est le plat-signature de Dieuveil Malonga, chef congolais de 24 ans. C’est un mélange de saveurs et de couleurs, où le crumble de farine de manioc rencontre la vanille du Nord-Kivu, les mangues camerounaises, les fruits de la passion, les cacahuètes et le fonio blanc du Fouta-Djalon – le tout en imitant les courbes du continent. Une alliance caractéristique de la cuisine selon Malonga, dont l’approche culinaire s’impose peu à peu de Paris à Abidjan. Ce jeune chef au regard timide et au sourire lumineux, tient avant tout à ce que ses plats allient générosité et passion.

Moments décisifs
Né en 1991 à Linzolo, au Congo-Brazzaville, Malonga a perdu ses parents trop tôt : sa mère décédée dans un accident alors qu’il n’avait que 3 ans, son père emporté par la guerre six ans plus tard. À 9 ans, il a été recueilli avec sa sœur par sa grand-mère, et c’est dans la cuisine de cette dernière qu’il a appris le respect des traditions et l’amour des fourneaux. Encadré par l’aïeule, l’enfant observe, apprend et élabore bientôt ses premiers plats, encouragé par son entourage.
À 15 ans, Dieuveil Malonga est adopté par Volkert Bahnberg, un pasteur évangélique vivant à Warstein (Allemagne). L’adolescent embrasse alors une nouvelle culture, une nouvelle vie. Il intègre Warstein Hauptschule, école où il remporte neuf concours de cuisine. Nostalgique des fumets de son enfance et de la cuisine de sa grand-mère, le jeune homme n’hésite pas à agrémenter, épicer, apporter de la couleur aux assiettes.
C’est inédit, surprenant, et ça plaît ! « En Allemagne, le système éducatif t’oriente facilement vers le domaine dans lequel tu es talentueux », commente-t-il. Papilles ravies, ses formateurs l’encouragent à intégrer la très réputée école Adolph-Kolping-Berufskolleg de Münster. Malonga en sortira diplômé en 2012, avant d’intégrer quelques restaurants étoilés d’Allemagne, à l’instar des prestigieux Schote (Essen), La Vie (Osnabrück) et Aqua (Wolfsburg).
En quête de nouveaux parfums et épices, il pose ensuite ses valises au bord de la Méditerranée à l’hôtel Intercontinental de Marseille. À 21 ans, il participe à l’édition 2014 de Top Chef, émission culinaire de la chaîne M6 regardée par plus de 3 millions de téléspectateurs. « L’expérience m’a permis de faire découvrir ma cuisine à de grands chefs français : je suis resté fidèle à mes principes et j’ai essayé de casser les codes. »

Bien qu’il ne dépasse pas les premières épreuves, il se fait un nom dans les hautes sphères de la gastronomie. Au repas de vernissage de l’exposition « Beauté Congo » de la Fondation Cartier comme à la Fashion Week de Paris, il sublime l’igname et les feuilles de manioc, manie le chocolat indigène et le fonio en des mélanges osés.
Une cuisine d’inspiration panafricaine
Recettes trop grasses, plats trop copieux, manque de modernité esthétique, trop d’épices… La cuisine africaine a mauvaise presse. Malonga voudrait faire de certaines saveurs exclues de la scène gastronomique des incontournables, résultat d’un savant métissage entre les rigoureuses techniques des gastronomies allemande et française. « C’est de l’afro-fusion, aime-t-il répéter.
Un pont entre plusieurs pays, qui permet à chaque Africain de se reconnaître dans mes assiettes. » Débordant d’énergie, il explore les terroirs du continent à la recherche de savoir-faire authentiques. « Ce que je préfère, quand je me rends au Cameroun, en Côte d’Ivoire ou au Gabon, c’est aller à la rencontre des grands-mères et les voir à l’œuvre dans leur cuisine. Elles sont les gardiennes des saveurs… »
De retour à Paris, il adapte les savoirs acquis au goût urbain. La tâche est ardue, mais il ne manque pas d’ingéniosité. « Alors qu’en Afrique les aliments peuvent passer plusieurs heures sur un feu de bois, ici je me sers d’abord d’une Cocotte-Minute et je termine la cuisson au feu de bois afin de rappeler le goût fumé », confie le chef, qui entend apporter « la modernité esthétique qui fait parfois défaut à certains plats africains ». Parmi ses plats fétiches, Homeland, une entrée à l’allure épurée mêlant fonio, mangue, dattes, thon et brioche au thé d’Afrique du Sud…
Tout le continent s’y retrouve. Prochain objectif, améliorer la renommée d’autres spécialités. « Le tieb ou le yassa sont des plats déjà connus, mais il existe plusieurs mets peu travaillés qui peuvent, à eux seuls, révolutionner un menu, comme le saka-saka… Je pourrais en manger inlassablement. »

Aujourd’hui, Malonga cuisine partout dans le cadre de restaurants éphémères et de Kitchen & Party, des dîners privés où il invite des convives à découvrir une gastronomie audacieuse. Mais il ambitionne aussi de s’implanter sur le continent en créant un réseau de formation et un laboratoire de transformation des produits locaux. Avec sa plateforme Chef In Africa, il compte bien attirer la lumière sur les futurs ambassadeurs de l’Afrique du goût.

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