Le Yassa Poulet ou l’hospitalité
sénégalaise.
Source : GEO N°403 sept 2012|
Le Goût de Geo
Les mots claquent comme une
formule magique : « Yassa poulet ». En Afrique, il est proposé à
chaque coin de rue, sur l’ardoise des modestes gargotes comme à la carte des
restos chics de Dakar. Et toute maman sénégalaise qui se respecte doit savoir mitonner
un succulent yassa. Le secret ? Une marinade relevée, composée d’épices et
d’aromates (piments oiseau, poivre noir, ail), ainsi que de cubes de bouillon
et de jus de citron vert. On y plonge la viande durant plusieurs heures puis on
la grillé à la braise ou on la passe au four.
Dernier tour de main
indispensable : la sauce acidulée, composée d’une base d’oignons,
agrémentée de moutarde de Dijon, d’olives vertes et de poivrons. Le riz, enfin,
est l’atout final. Nature, il exhale les saveurs du plat autant qu’il les
adoucit. DU coup, en boucle, le yassa délivre son mélange de douceur et d’impétuosité
où se superposent l’acidité de la marinade, les sucs confits de la viande, ceux
caramélisés, des oignons, puis la fadeur apaisante du riz.
Emblématique de la cuisine
sénégalaise, ce plat est né en Casamance, dans le sud-ouest du pays, et tire sa
singularité de son héritage colonial. C’est en effet aux colons français que
les Sénégalais doivent la culture du riz dont ils raffolent au point d’en
consommer cinquante kilos par an et par personne.
Qu’il suive la recette classique
ou qu’il utilise l’agneau ou le poisson, le yassa est à l’image de la « teranga »,
l’hospitalité sénégalaise. Au pays des griots ces conteurs qui perpétuent les
récits des ancêtres, manger est d’abord une façon d’accueillir l’autre, de l’introduire
dans son clan. Les matrones y voient aussi l’occasion d’affirmer leur rôle :
tel un chef d’orchestre, chacun organise la préparation du repas pour une famille
souvent nombreuse. Dans la cour où s’étalent paniers de légumes et bassines de
poissons ou de viande, les réchauds rivalisent. Autour, les femmes bavardent en
épluchant les oignons et en lavant le riz. Puis elles pilent leur ail avec le « Moulinex
sénégalais », le mortier. Mais, si tout s’échange volontiers, les
marmites, gravées du nom de leur propriétaire, appartiennent à chaque
maisonnée. Pour s’en faire prêter une, il faut se plier au protocole des
politesses et des salamalecs !
Ici aussi, le succès d’un plat
tient à la qualité des produits. Il faut un bon riz sénégalais, avec des grains
longs et réguliers afin de lui assurer une cuisson homogène – à défaut, du riz
cassé, importé d’Asie, économique mais poreux. Pour al viande, mieux vaut le « poulet
bicyclette », cavalant aux abords des maisons, et donc ferme et savoureux,
que le « poulet cadavre », insipide, vendu sous plastique au
supermarché. Le repas sera servi dans une calebasse. Assis autour, les convives
piocheront de la main droite, à l’aide d’une cuillère ou d’un morceau de pain.
A chaque fois, c’est un régal.
Carole Saturno
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