vendredi 22 juillet 2011

Antilles | Babette de Rozières


Babette de Rozières une femme de goûts

La cuisinière guadeloupéenne prépare une autobiographie et raconte son parcours depuis son île jusqu’aux cuisines de Robuchon.

Par Pauline Delassus - Paris Match

Dans un village des Yvelines, à Maule, la Case de Babette ne désemplit pas. Elle y prépare des accras de morue, du crabe farci, de la daurade au parfum de citron vert, des dés de cochon roussis ou des bananes flambées au vieux rhum à une clientèle fidèle depuis la rue de Longchamp, où elle avait osé reprendre en 2005 le restaurant de Joël Robuchon. « Les gens ne pouvaient pas croire que je ­rachète une institution pour en faire une table créole ! » Ce souvenir la fait rire, fort. On devine un caractère décidé, une persévérance féroce. « J’ai grandi dans une famille antillaise fortunée et ­influente. J’étais Cosette chez les ­Thénardier, une erreur de jeunesse de ma mère, j’étais la plus foncée, ce n’était pas à mon avantage. Je ne voulais qu’une chose : partir. »


Ce qu’elle fait à 18 ans, s’inscrit en licence d’histoire et commence un boulot de speakerine à l’ORTF. Le monde de la télé lui plaît et dans sa chambre de bonne parisienne elle ­cuisine pour ses amis. « En tant que femme noire, c’était compliqué, les gens étaient très racistes. Ils le sont toujours, mais le montrent moins aujourd’hui. A l’ORTF, c’était flagrant. J’ai encore une lettre de France 3, datée de 1994, qui me dit que la cuisine antillaise n’est pas la ligne éditoriale de la chaîne. » Alors Babette s’impose, et personne ne lui résiste, ni les blancs patrons de la télévision ni les bourrus cuistots de la gastronomie.
« Les chefs ne sont pas des gentils, encore moins avec une Noire »

« Les chefs ne sont pas des gentils, encore moins avec une Noire. Ils rigolent et disent d’aller ­chercher la serpillière. Mais ceux qui critiquaient mes petits boudins à l’époque me demandent aujourd’hui comment cuire un ananas ! » Une belle revanche pour celle qui, en plus, a continué de conquérir le petit écran depuis les ­années 80, animant sa propre émission sur la 3 et aujourd’hui une chronique ­culinaire dans « C à vous » sur France 5.

En 1981 elle est retournée vivre en Guadeloupe pour ouvrir quatre restaurants, « mais on a vite fait le tour d’une île », constate-t-elle. Star adulée dans les Antilles, elle préfère revenir en métropole où elle peut faire ses preuves. « Quand un Antillais a quelque chose en France, c’est qu’il l’a vraiment mérité. Ici, tout est plus difficile pour les Noirs. Ce n’est pas demain qu’on aura un Obama en France ! » En attendant, elle conseille d’aller visiter son île et prévient qu’il est « obligatoire » d’y déguster un colombo. « La culture passe par la cuisine. Je reproche d’ailleurs aux cuisiniers guadeloupéens de faire tout au foie gras ! J’ai discuté avec le ministre de l’Outre-mer pour prévoir une charte imposant aux restaurants d’avoir au moins un plat créole à leur carte. Parce que c’est le tourisme qui fait vivre ces îles, pas le rhum ou la canne à sucre ! »

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