Babette de Rozières une femme de goûts
La cuisinière guadeloupéenne prépare
une autobiographie et raconte son parcours depuis son île jusqu’aux
cuisines de Robuchon.
Par Pauline Delassus - Paris Match
Dans un village des Yvelines, à Maule,
la Case de Babette ne désemplit pas. Elle y prépare des accras de
morue, du crabe farci, de la daurade au parfum de citron vert, des
dés de cochon roussis ou des bananes flambées au vieux rhum à une
clientèle fidèle depuis la rue de Longchamp, où elle avait osé
reprendre en 2005 le restaurant de Joël Robuchon. « Les gens ne
pouvaient pas croire que je rachète une institution pour en
faire une table créole ! » Ce souvenir la fait rire, fort. On
devine un caractère décidé, une persévérance féroce. « J’ai
grandi dans une famille antillaise fortunée et influente.
J’étais Cosette chez les Thénardier, une erreur de jeunesse
de ma mère, j’étais la plus foncée, ce n’était pas à mon
avantage. Je ne voulais qu’une chose : partir. »
Ce qu’elle fait à 18 ans, s’inscrit
en licence d’histoire et commence un boulot de speakerine à
l’ORTF. Le monde de la télé lui plaît et dans sa chambre de
bonne parisienne elle cuisine pour ses amis. « En tant que
femme noire, c’était compliqué, les gens étaient très racistes.
Ils le sont toujours, mais le montrent moins aujourd’hui. A l’ORTF,
c’était flagrant. J’ai encore une lettre de France 3, datée de
1994, qui me dit que la cuisine antillaise n’est pas la ligne
éditoriale de la chaîne. » Alors Babette s’impose, et personne
ne lui résiste, ni les blancs patrons de la télévision ni les
bourrus cuistots de la gastronomie.
« Les chefs ne sont pas des gentils,
encore moins avec une Noire »
« Les chefs ne sont pas des gentils,
encore moins avec une Noire. Ils rigolent et disent d’aller
chercher la serpillière. Mais ceux qui critiquaient mes petits
boudins à l’époque me demandent aujourd’hui comment cuire un
ananas ! » Une belle revanche pour celle qui, en plus, a continué
de conquérir le petit écran depuis les années 80, animant sa
propre émission sur la 3 et aujourd’hui une chronique culinaire
dans « C à vous » sur France 5.
En 1981 elle est retournée vivre en
Guadeloupe pour ouvrir quatre restaurants, « mais on a vite fait le
tour d’une île », constate-t-elle. Star adulée dans les
Antilles, elle préfère revenir en métropole où elle peut faire
ses preuves. « Quand un Antillais a quelque chose en France, c’est
qu’il l’a vraiment mérité. Ici, tout est plus difficile pour
les Noirs. Ce n’est pas demain qu’on aura un Obama en France ! »
En attendant, elle conseille d’aller visiter son île et prévient
qu’il est « obligatoire » d’y déguster un colombo. « La
culture passe par la cuisine. Je reproche d’ailleurs aux cuisiniers
guadeloupéens de faire tout au foie gras ! J’ai discuté avec le
ministre de l’Outre-mer pour prévoir une charte imposant aux
restaurants d’avoir au moins un plat créole à leur carte. Parce
que c’est le tourisme qui fait vivre ces îles, pas le rhum ou la
canne à sucre ! »
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