Authentique, la cuisine africaine ?
Le stand posé sur des tréteaux passe
inaperçu tant les femmes en boubous colorés captent l’attention
des passants avec leurs racoleurs « Chauds, chauds les acras ! »
Ce pourrait être Dakar mais, dans l’enquête ethnographique de
Julie Garnier, de telles scènes se déroulent à Angoulême,
Poitiers ou La Rochelle.
« À la différence des restaurants
exotiques implantés dans les métropoles urbaines, observe-t-elle,
les commerçants et restaurateurs africains qui investissent ce
créneau dans les villes moyennes ciblent une clientèle locale, non
africaine. »
Nouvelle venue dans les régions à
faible présence migratoire, la petite restauration africaine doit,
pour séduire les papilles, adapter son yassa, poulet aux oignons et
citron, ou encore son mafé, bœuf aux arachides. « J’ai
commencé à ne plus mettre de piments, à ne plus faire de la sauce
de poisson séché et puis j’ai essayé de faire la sauce gombo
moins gluante », confie l’un des quarante commerçants
rencontrés, originaires d’Afrique subsaharienne. À ce
« bricolage » des recettes s’ajoute l’exploitation des
représentations positives dont bénéficie le continent africain
dans l’imaginaire occidental.
Chaleur, convivialité, hospitalité
deviennent les ingrédients garants de « l’authenticité » de
la cuisine dite africaine mais regroupant indifféremment des
spécialités du Sénégal,
du Cameroun ou du Burkina Faso.
Vérifiant la thèse selon laquelle
« plus un plat paraît authentique aux yeux des consommateurs,
moins il l’est dans son contenu », J. Garnier va plus loin en
voyant le goût croissant
des Occidentaux pour ces spécialités
exotiques comme une marque de reconnaissance sociale des apports
migratoires dans la société française ainsi que l’émergence de
nouvelles habitudes alimentaires. Ainsi, « le jus de bissap (aux
fleurs d’hibiscus séchées, ndlr) se consomme aujourd’hui bien
plus ici que là-bas. »
Julie Garnier, « “Faire avec” le
goût des autres. La petite restauration africaine, une nouvelle
venue dans les villes moyennes en France », Anthropology of Food,
7 décembre 2010.
http://aof.revues.org/index6576.html
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