Kissina Nzinda : « Je souhaite valoriser les gastronomies africaines qui sont encore l’objet de nombreux clichés »
Source : AfrikaStrategies | AssanatouBaldé
A tout juste 39 ans, Kissina
Nzinda, d’origine congolaise, basée en région parisienne, semble avoir vécu
plusieurs vies. Celle qui a été à la tête d’un magazine de société en 2003,
vendu en kiosque dans tout le territoire français, évolue aujourd’hui dans le
domaine de la gastronomie africaine avec un concept novateur, Le voyage
culinaire, mis au point en 2017, à travers lequel elle fait découvrir les
divers mets des pays d’Afrique et territoires d’Outre-mer. Interview d’une
ambitieuse qui a toujours mis la Diaspora et l’Afrique au cœur de tous ses
projets.
Kissina Nzinda fait partie de
cette nouvelle génération d’entrepreneurs qui estiment que l’heure de la
Diaspora et de l’Afrique a sonné. Issue d’une famille modeste, celle qui est
née au Congo, deuxième d’une fratrie de sept enfants, arrivée en France, dans
la ville de Grigny, alors qu’elle n’était encore qu’un bébé de neuf mois, a
durant tout son parcours toujours travaillé autour de l’Afrique et de sa
Diaspora qui lui tiennent particulièrement à cœur. La bonne vivante, très
coquette, chanteuse de jazz, dont le livre de chevet est « L’art du bonheur »
du Dalaï-lama, a toujours eu plusieurs
cordes à son arc et su développer très tôt sa fibre entrepreneuriale. Une fois
son master en marketing en poche, dès 2003 elle lance le magazine de société
Kissina, qui a pour but de valoriser la culture afro et les acteurs d’impact de
la Diaspora.
Celle qui n’abdique jamais
rejoint par la suite la société de production People tv, qui diffuse des
émissions sur l’économie et les initiatives africaines. Aujourd’hui, elle
travaille en tant que chargée de gestion à l’Agence Française de Développement
(AFD), et a créé en parallèle Le voyage culinaire sur les gastronomies
africaines et domiennes. Le concept attire très vite de nombreux visiteurs et
plusieurs médias français tels que Le Parisien en parlent. Kissina qui raffole
du mythique plat africain, le saka saka, a bien l’intention de contribuer à
détruire les préjugés autour de l’art culinaire du continent pour faire
découvrir au plus grand nombre toute sa richesse et sa diversité.
Pouvez-vous nous expliquer concrètement le concept du voyage culinaire ?
Il s’agit d’un événement qui
tourne autour de la valorisation des gastronomies africaines et domiennes. À
chaque édition, un pays ou des régions sont mis à l’honneur, ce qui permet de
présenter et de faire découvrir ses cuisines ainsi que les acteurs, tels que
les chefs ou cuisiniers qui œuvrent derrière les fourneaux. L’idée est de faire
connaître des mets méconnus ou revisités mais aussi l’histoire qu’il y a
derrière chaque plat. Pour donner de la force et un caractère solennel à cet
événement, des ambassadeurs de divers pays ainsi que des entrepreneurs et
artistes y sont conviés. Le but étant de s’immerger totalement dans la culture
du pays ou des régions représentés. Les voyages culinaires se produisent aussi
bien dans des lieux populaires tels que des restaurants parisiens (Moussa
l’africain, Villa Maasai) que dans des hauts lieux, tels que l’Ambassade du
Congo, l’UNESCO ou encore l’AFD…
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans une telle aventure ?
La gourmandise et la passion
m’ont amené à avoir une réflexion sur la place des cuisines africaines et
domiennes en France. Trop caricaturées ou réduites à des clichés, ces
gastronomies devaient pour moi avoir la place qu’elles méritent et ses acteurs
plus encore. C’est pour valoriser et donner de la visibilité à ce secteur et
ses acteurs que je me suis lancée dans cette aventure.
Quels sont vos objectifs et ambitions à travers une telle initiative ?
Mes objectifs et ambitions sont
multiples. Tout d’abord je souhaite participer à la reconnaissance de ces
cuisines et à leur inscription au patrimoine mondial. Je compte aussi exporter
Le voyage culinaire dans d’autres villes et pays. Je souhaite à travers ce
concept valoriser par la démonstration les gastronomies africaines pour évacuer
les clichés dont elles font l’objet. Le voyage culinaire permet également de
créer du lien entre les amateurs de bonnes cuisines et de rassembler, faire
découvrir, s’évader, tout en donnant de la visibilité à de nouveaux talents et
de fédérer des synergies.
Aujourd’hui, le voyage culinaire en chiffres ça donne quoi?
Au bout de deux ans d’existence,
le voyage culinaire c’est 11 éditions, plus de 30 plats présentés et près de
800 participants. Et l’aventure ne fait que commencer car on a encore de
nombreuses choses à faire découvrir au public et de belles surprises à lui
réserver.
Aujourd’hui de plus en plus d’entrepreneurs se lancent dans le domaine de la gastronomie africaine qui n’intéressait auparavant personne. Quelle est votre regard sur cette évolution ? Qu’est-ce que cela révèle ?
C’est une chose positive car cela
va permettre de rendre plus visible cette gastronomie afro et de la
démocratiser. Il y a une réelle demande et le fait d’avoir de nouveaux acteurs
chaque jour ne peut qu’être une satisfaction. Chacun va proposer une offre
différente et c’est ce qui va constituer une richesse pour le tissu
gastronomique afro. Il faut voir cela comme une force. Pour avoir une nouvelle
approche de ce que cela représente en termes de choix, je suis en pleine
écriture d’un ouvrage recensant les acteurs des gastronomies africaines et
domiennes qui devrait être disponible en décembre 2020.
Pourquoi selon vous, la cuisine africaine peine aujourd’hui encore à être reconnue comme un art culinaire à part entière dans le monde ?
Elle est méconnue du grand public
et assimilée à des idées reçues (trop grasse, épicée, lourde) et l’offre n’est
pas encore assez variée. Si on devait la comparer à la cuisine chinoise, elle
n’est pas encore assez répandue pour avoir beaucoup d’adeptes et fins
connaisseurs, défenseurs ou représentants sur chaque continent, excepté
l’Afrique. Mais ce n’est pas peine perdu. Nous œuvrons actuellement à inverser
la tendance et cela se fera par étape.
Propos recueillis par Assanatou
Baldé, Afrika Stratégies France
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